Notre partenaire en Haïti, le Mouvement Paysan Papaye (MPP), nous a adressé une description à la fois détaillée et impressionnante des conséquences du séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Richter qui a frappé le pays le samedi 14 août à 8h30 environ. Une catastrophe sans précédent qui a touché en particulier la région du Grand Sud. Voici leur témoignage qui nous est parvenu et qui décrit les dégâts immenses, de même que les besoins à court et moyen termes.
Brève description de la situation
Le tremblement de terre de magnitude a frappé les départements de Nippes, du Sud et de la Grand’Anse. Dans un premier temps, la communication avec ces régions était coupée. Au fur et à mesure, nous avions fini par entrer en contact aves les dirigeants du Mouvement Paysan National du Congrès de Papaye (MPNKP) et de Tèt Kole ti Peyizan Ayisyen (TK). La situation est inqualifiable. Il s’agit d’une catastrophe sans pareil dans l’histoire de ces 3 départements.
Selon les informations recueillies par les dirigeants de terrain, des montagnes sont déplacées, tuant de nombreux paysans qui travaillaient dans leurs champs. Il n’y a aucun moyen de trouver leurs cadavres. Dans une section communale de Camp Perrin, par exemple, dans le département du Sud, plus de 100 paysans sont morts coincés entre deux montagnes. Ils n’entrent pas dans le bilan. Il en est de même à Rendel, une section communale de Port à Piment où des pans de montagnes sont tombés, emportant tout sur leur passage. Noé Vital, un animateur du MPNKP, a disparu parmi beaucoup d’autres.
Dans la section communale de Fonds Cochon dans la Commune de Roseaux, des communautés entières sont détruites. Il n’y a pas moyen de les atteindre. L’odeur des cadavres montent. En plus des morts qui n’entrent pas dans les bilans officiels, les maisons ont été détruites à plus de 90% dans certaines zones. Par exemple, nous avions eu une communication avec Daniel Clermont, membre du Conseil d’administration de la 1ère section communale de Ti François, commune de l’Asile dans les Nippes. Dans la zone où il habite, il n’y a qu’une seule maison qui est restée débout. « C’est impensable, incroyable » dit-il.
Dans plusieurs sections communales des 3 départements, les familles n’ont plus accès à l’eau car les sources disparaissent avec le bouleversement des montagnes. Elles reparaitront peut-être dans le futur à d’autres endroits.
Dans la majorité des villes tous les bâtiments importants comme les écoles, les églises et des maisons familiales se sont effondrés. Partout, les gens vivent depuis samedi soir sous les étoiles. Le pire est que la tempête tropicale GRACE est en train de frapper depuis hier soir avec beaucoup de vent et de pluie. La situation est indescriptible car il n’y a pas de bâtiments où les gens puissent s’abriter. C’est horrifiant. Les chiffres officiels partiels de la protection civile ce mardi 17 août étaient les suivants :
- 1419 morts : 1 133 dans le Sud, 162 dans la Grand Anse, 122 dans les Nippes et 2 dans le Nord-Ouest.
- Plus de 6 900 blessés.
- 75 000 familles sinistrées.
- 84 225 maisons détruites ou endommagées.
Il faut savoir que ces chiffres sont très loin de la réalité.
Un rapport partiel de TK parle de 7 membres morts dans 18 communes du Grand Sud où l’organisation travaille : 7 dans la Grand Anse, 5 dans les Nippes et 3 dans le Sud. Presque toutes les maisons de paysans sont détruites. Le MPNKP n’a pas encore fourni de chiffres.
Les besoins les plus urgents
Les gens vont mourir de faim et de soif dans tout le Grand Sud. Mais la situation est pire dans la paysannerie car l’aide qui est en train d’arriver des pays comme le Venezuela, la République dominicaine, le Mexique, les Etats-Unis n’arrivera pas dans les sections communales car l’aide est limitée. L’accès est difficile, mais il y a aussi un problème d’équité dans la répartition. Les familles paysannes seront victimes de la loi du plus fort qui prime toujours en Haïti. Les paysans sont toujours oubliés. Les organisations paysannes doivent se mobiliser pour faire entendre la voix de la paysannerie. Ce ne sera pas facile.
Il faut une solidarité immédiate pour aider les victimes à trouver :
- De l’eau potable
- Des aliments
- Des habits, des draps, des serviettes, des souliers
- Du savon, des désinfectants
- Des abris provisoires de toutes sortes
- Des ustensiles de cuisine
Estimation d’autres besoins
Il faut, dans un à deux mois, commencer à aider les victimes à :
- Relancer la production vivrière et maraichère en permettant aux familles de trouver des semences de maïs locales, de haricots, de calalou (ocra), d’épinards, etc.
- Trouver des boutures de manioc, de patate, des drageons de banane, d’igname, de taro, etc.
- Relancer l’élevage en aidant les familles à trouver des chèvres, des poules, des truies vaccinées contre la fièvre porcine africaine et le techen.
- Trouver des outils aratoires comme machettes, houes, serpettes, pioches, pelles, bêches plates, bêches à dents, râteaux, arrosoirs etc.
- Bénéficier de la formation dans les domaines de l’agroécologie, de la compréhension de la crise climatique et les moyens pour la combattre.
- Capter des sources d’eau qui réapparaissent ou qui continuaient d’exister.
- Améliorer les abris provisoires.
Et à moyen terme, dans 6 à 24 mois…
Il faudra également aider les victimes à mettre en place les programmes suivants :
- Construction des maisons qui répondent aux normes antisismiques.
- Réfection et protection de l’environnement par la conservation de sol, du reboisement et de la reforestation, de la protection des berges des rivières, etc.
- Formation en économie sociale et solidaire, en agroécologie, en gestion de l’environnement, en renforcement organisationnel.
Ces informations sont les fruits des contacts directs sur le terrain et des réflexions des responsables du MPP. Ces informations sont discutées ensuite avec la coordination de La CLOC-Via Campesina Haiti.
Le rôle du MPP
Le MPP ne travaille pas en tant que MPP dans les départements frappés par le séisme mais a l’habitude de travailler avec MPNKP dont il est le promoteur et membre dans ces départements ainsi qu’avec d’autres organisations en temps normal. Il a coordonné des projets d’urgence après le séisme de 2010 et le cyclone Mathieu en 2015. Son équipe pluridisciplinaire va travailler avec les organisations membres de CLOC-Via Campesina MPNKP et TK. Il pourra également aider d’autres organisations dans les domaines qu’il maîtrise.
Pour la direction exécutive du MPP :
Verona VAL
Mulaire MICHEL
Juslène TYRESIAS
Chavannes JEAN-BAPTISTE