La démocratie a bien des difficultés à trouver sa voie au Guatemala depuis la signature des accords de paix de 1996 qui ont mis fin à une guerre civile extrêmement meurtrière. Ces dernières années en particulier, l’État de droit a été mis à mal diverses fois. Plusieurs épisodes politico-judiciaires ont, en effet, régulièrement émaillé le quotidien du Guatemala, souvent orchestrés par les groupes oligarchiques et une certaine classe politique nostalgique du temps de la dictature.
Le dernier épisode en date se joue actuellement sur la scène politique guatémaltèque depuis l’élection, le 20 août dernier, du nouveau président Bernardo Arévalo, candidat du parti progressiste Semilla (« Mouvement semence »), qui doit prendre ses fonctions en janvier prochain. Soutenue par près de 60% des suffrages, sa victoire n’a pas manqué de surprendre ses opposants. En effet, le Tribunal suprême électoral (TSE) avait préalablement déclaré inéligibles plusieurs candidats, pourtant favoris dans les sondages, mais qui n’entraient pas dans les grâces des élites traditionnelles dans la mesure où leur programme constituait une menace pour leurs intérêts. Ce procédé douteux n’a toutefois pas empêché Bernardo Arévalo de remporter les élections, recueillant l’adhésion de citoyens fatigués par la corruption généralisée. Opposée à lui lors du deuxième tour des élections, Sandra Torres, ex-Première dame et représentante du parti UNE, n’a jamais reconnu sa défaite.
Il n’en fallait pas moins pour que l’appareil judiciaire, à la solde d’une droite dépitée par sa défaite inattendue, se mette en branle pour faire barrage à la transition politique. Ainsi, le TSE a décidé de suspendre le statut juridique du parti Semilla, invalidant le résultat des urnes, un procédé vivement condamné par la Commission Interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) qui a dit rejeter cette suspension, exhortant l’Etat « à respecter les résultats des élections générales en tant que plus haute expression de la souveraineté populaire, dans le strict respect de la démocratie représentative et des droits humains. »
Lorsque les actes des élections ont été saisis, un mouvement de protestation s’est aussitôt mis en place afin de contester le passage en force et des milliers de Guatémaltèques, la plupart d’origine indigène, se sont mobilisés pour bloquer plusieurs axes routiers, principalement dans la région occidentale. Ces manifestants réclament notamment la démission de trois magistrats, à savoir la procureure générale Consuelo Porras, le procureur Rafael Curruchiche et le juge Fredy Orellana, tous à l’origine de cette croisade contre le président légitimement élu. Dénonçant un « coup d’Etat au ralenti », Arévalo a invité la société civile à s’unir pacifiquement pour rejeter les tentatives de violation du processus électoral et constitutionnel.
Face à cette importante mobilisation, la Cour Constitutionnelle a répondu en autorisant le démantèlement des manifestations par la Police Nationale Civile (PNC), tout en déclarant compétent le juge Orellana pour suspendre le parti Semilla. Ces deux mesures démocratiquement contestables ont de quoi susciter l’inquiétude dans la mesure où, d’une part, l’on peut craindre que des mobilisations jusqu’ici pacifiques soient réprimées dans la violence et où, d’autre part, elles musèlent le futur gouvernement d’Arévalo, privant les députés de Semilla de leurs voix et droit de vote au sein du Congrès.
En Belgique, diverses ONG, dont Frères des Hommes, ont adressé le 14 septembre dernier une lettre au Parlement belge afin que celui-ci interpelle le Parlement européen, demandant notamment que le résultat du scrutin soit reconnu. Ce dernier a élaboré une proposition de résolution allant dans le sens de nos revendications et demandant aux partis et institutions guatémaltèques de respecter la voix des urnes.
Si l’épisode est loin d’être clos, on ne peut qu’espérer que le pays ne sombre pas dans le chaos et que, démentant une longue tradition d’injustices et de violences politiques, il puisse s’aligner sur les principes de la démocratie et respecter ainsi la voix du peuple guatémaltèque.
Lettre adressée par les ONG belges travaillant au Guatemala au Parlement belge afin d’interpeller le Parlement européen
« Madame, Monsieur
Nous, organisations belges soussignées (ONG et comités de solidarité travaillant et/ou collaborant avec des organisations de la société civile au Guatemala), souhaitons vous faire part de nos préoccupations concernant la situation post-électorale au Guatemala et adresser nos demandes à la Belgique en tant qu’État membre de l’Union européenne.
Nous vous envoyons la lettre adressée à l’Union européenne et à ses États membres au nom du réseau EU-LAT, avec une brève analyse de la situation et les demandes suivantes à l’Union européenne et à ses États membres, que nous soutenons.
- Reconnaître publiquement Bernardo Arévalo et Karin Herrera comme président et vice-présidente élus.
- Demander la prolongation de la présence de la mission d’observation électorale de l’UE.
- Insister pour que le parti Movimiento Semilla et M. Arévalo soient protégés de toute intimidation, attaque ou agression.
- Mettre en œuvre les lignes directrices de l’UE sur les défenseurs des droits de l’homme.
- Prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer au respect des principes démocratiques et de la volonté du peuple guatémaltèque.
Nous vous remercions d’avance de toute action que vous pourrez entreprendre afin de contribuer à promouvoir le respect de l’État de droit et la défense des droits de l’homme au Guatemala. »
ACTEC
AFOPADI-Belgie
Broederlijk Delen
Docwerkers vzw
Entraide et Fraternite
Frères des Hommes
Guatebelga
House of Compassion (Hoc)
RIKOLTO
Solidair met Guatemala
Studio Globo – Gent
TRIAS
WSM