Ce sont les mots utilisés par Bernardo Caal Xol dans une lettre écrite depuis sa cellule dans la prison de Cobán au Guatemala. Il s’agit d’un courrier qu’il adresse en remerciement aux organisations qui le soutiennent et tentent de lui venir en aide depuis la Belgique et d’autres pays dans le monde.
Rappel des faits
Bernardo Caal Xol est le représentant qui a été choisi par la communauté Q’eqchi de Santa Maria Cahabón pour défendre ses droits face au projet de construction d’une centrale hydroélectrique dans la région. Ce projet préoccupe grandement les populations indigènes locales dans la mesure où il s’approprie les fleuves, privant les habitants de l’accès à cette ressource vitale.
Dans un premier temps, Bernardo a été victime de menaces. En 2016, conformément à la convention 169 de l’OIT ratifiée par l’Etat guatémaltèque, il a exigé que la population soit dûment consultée, demande à laquelle les autorités ont accédé. Mais deux jours avant la tenue du référendum, l’entreprise en charge du projet a introduit un recours. S’ensuivit un long parcours juridique jusqu’en 2017 où les hautes cours ont enfin reconnu que le droit des communautés à être consultées avait bien été bafoué. Entretemps, une campagne de diffamation a été lancée à l’encontre de Bernardo et a abouti à son emprisonnement sur base d’accusations infondées.
Toujours emprisonné à l’heure actuelle, Bernardo Caal Xol fait face à une injustice récurrente au Guatemala dans ce type de dossier : la criminalisation de quiconque ose s’opposer à un projet mené par une entreprise et/ou multinationale ayant décidé de s’approprier une ressource naturelle. Par ailleurs, l’Etat et les autorités guatémaltèques se rendent complices de la situation en ne respectant pas le droit des communautés locales à être préalablement consultées et ce, en dépit de conventions internationales qu’ils ont pourtant ratifiées.
Derniers développements
En juin 2020, l’avocat de la défense, Edgar de León, relatait que 3 audiences devaient se tenir depuis plus d’un an dans le cas de Bernardo Caal Xol. Ce retard injustifié reflète une négligence, voire sème le doute concernant l’impartialité et la volonté réelle de la Cour Suprême de Justice et des magistrats de la Cour d’appel de Cobán Alta Verapaz de tenir ces audiences.
Préoccupé par la situation précaire de Bernardo et d’autres défenseurs des droits humains emprisonnés durant la pandémie de Covid-19, l’avocat a adressé un courrier au Ministère public ainsi qu’au directeur de la prison de Cobán, demandant que ces personnes soient dûment protégées.
Les audiences prévues en juillet dernier ont été à nouveau suspendues. Pour la cinquième fois, les arguments évoqués portent sur l’âge des magistrats constituant un facteur de risque en raison de l’épidémie.
Renvoyée à la fin août, la sentence a finalement été prononcée, aggravant la peine de Bernardo à 7 ans et 4 mois d’emprisonnement et la changeant en peine non commuable.
Ces derniers développements montrent à nouveau combien il est extrêmement difficile de faire valoir ses droits au Guatemala. Par ailleurs, ils suscitent une grande inquiétude au sein de la famille de Bernardo, de toute la communauté Q’eqchi qu’il représente ainsi que des organisations nationales et internationales qui le soutiennent.
Le 17 septembre, Bernardo adressait la lettre suivante à celles-ci :
« Il y a des lettres qui émeuvent quand on est en prison. Je remercie toutes les organisations du monde entier pour leur solidarité avec le peuple Q’eqchi face à la spoliation dont il est victime au Guatemala.
Cette semaine, j’ai reçu une belle lettre envoyée par diverses organisations des droits de l’Homme. En la lisant entre ces quatre murs, j’ai ressenti beaucoup d’émotion et de force. Je vous prie de transmettre ces mots à toutes les communautés Q’eqchi’s et aux autres peuples autochtones.
Frères et Sœurs, la lutte pour la défense du fleuve Cahabón et Ox-eek continue.
Frères et Sœurs, la libération de nos peuples doit advenir.
Bernardo Caal Xol
899 jours de torture carcérale »